Les Terres de Vanaâ
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 Textes d'Ylmater

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Ylmater
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Ylmater


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MessageSujet: Textes d'Ylmater   Textes d'Ylmater EmptyLun 17 Juin - 12:21

L'Homme était assis.
De l'autre côté du miroir mon reflet le dévisageait. Un œil luminescent, légèrement bleuté, artificiel. Il était le paradigme de tout son être. L'Ordre, la perfection, capable de bien plus que l'organique, voyant par delà les êtres, se dotant d'une mémoire absolue au moyen d'enregistrement. Rien ne lui échappait, rien qu'il ne puisse analyser, voir et revoir encore. Rien ne lui échappait. Je ne le savais que trop bien. Qu'étais-je face à cet œil ? Qu'étais-je à la lumière de ce bleu ? Une ombre, une construction ordonnée, logique. Un nom, fictif, comme tout le reste de mon être. Gabrÿelle Evans. C'était élégant, cela me plaisait, dommage que ce ne fût pas moi. Un avatar, rien de plus, un masque qu'il m'a obligée à prendre sans m'en laisser le choix. Une fois ce masque retiré, ici, face à cette glace, sous cette œil luisant. Qu'étais-je ?

Arrachée à ma terre natale à l'âge où les souvenirs ne s'inscrivent pas encore dans une âme, il ne sût me dire ni à qui il m'avait prise ni même où. Un soir, dans les rues d'Umbara. Il m'avait vu, il m'avait prise. Dès cet instant, plus aucune vesprée ne recouvrit les mondes sans que je sois enchaînée à lui. Ma vie, ; il m'avait simplement privée de ma vie, de tous les futurs que j'aurais pu incarner, ou plutôt, de tous ceux que j'aurais voulu incarner. Quelle excuse avait-il donnée à cela ? L'Ordre. Toujours l'Ordre. Pourquoi moi ? Un appel, un sentiment, une conviction. Tout était question de conviction. Et ce sourire cynique, dédaigneux presque, lorsque, finalement, il avait lâché que mon sang bâtard ne m'aurait de toute façon pas accordé plus que le futur d'une prostituée ou d'une esclave. Il avait raison. Encore. Pourtant, au fond de moi, ce bouillonnement, cette puissance qu'il avait aiguisée, et qui me dit tout autre chose. Non, j'aurais pu être quelqu'un, j'aurais pu vivre, j'aurais pu ne pas être son pantin. Mais pour être quoi ? Je venais de le penser à l'instant. Cette puissance qu'il avait aiguisée en moi. Je ne suis que sa construction, le savant produit d'années d'éducation dirigée, ferme, d'excellence.

Mes yeux parcoururent son visage, les stigmates bleus des circuits imprimés trahissaient son accident. Petite fille, j'en avais immédiatement été effrayée. Il n'était plus humain, plus tout à fait, en équilibre précaire entre la vie et la mort. Je l'avais senti, immédiatement. Mes yeux, dans l'ombre, quittèrent son visage pour fixer mon reflet dans le miroir. Mon reflet ? Non. Cette facette de moi. Darth Sicaë. Celle qui me semblait la plus naturelle, cette identité dans laquelle je pouvais être ce pour quoi j'avais d'abord été faite. Assassiner dans l'ombre, faire en sorte que se taisent les ignorants, faire cesser leur délire pour les amener à la paix qu'apporte la mort afin que le reste des vivants puissent accéder à l'Ordre. L'Ordre.

Le miroir disparaît dans l'ombre de ma capuche et laisse la place à ce jardin. Ce jardin qui est mon refuge, enfant. Six rosiers, symétriques, placés en hexagone, blancs. Six pins, hauts, élancés, foncés, entre ceux-ci, en leur exact milieu ; puis une haie, basse, du buis, coupé en quatre endroits pour pouvoir accéder au centre. Ce centre, une fontaine, claire, tombant en cascade angulaire, parfaite, toujours au même débit, aucune variation. Je peux m'asseoir en son centre et ne recevoir aucune goutte. Enfin, autour de moi, à l'intérieur de ce sanctuaire, quatre piliers, au sud, à l'est, au nord, à l'ouest. La Paix, l'Ordre, l'Harmonie, le Cosmos. Les quatre piliers qu'il a dressés. Les quatre piliers que je dois respecter et faire respecter.

Il fait sombre, c'est la nuit. J'ai cinq ans. Il est là, je suis dans le jardin, assise dans l'herbe, en train de regarder les étoiles. Il me demande pourquoi je ne suis pas couchée alors qu'il me l'avait ordonné. Je lui réponds que je n'étais pas fatiguée. Il s'approche, s'assoie à côté de moi. Il me demande pourquoi je suis ici. Je lui réponds que j'y suis bien, avec mes mots d'enfant, ces mots qu'il m'a enseignée. Je lui dis qu'ici, tout est beau, tout est bien mis, tout est comme il doit être. Toujours avec mes mots d'enfant et ma pensée de cinq ans. Il me répond que l'Harmonie est une conséquence logique de l'Ordre. Que l'Ordre est le Cosmos. Qu'en tant que sa main, nous façonnerons le monde à l'exemple de ce jardin. Ce jardin est notre fin. Je ne comprends pas tout. Je ne sais ce qu'est le monde, ou du moins, je n'en ai encore vu que des images, des représentations holographiques pâles. Ce que j'ai vu du monde est tellement moins présent que ce jardin. Il reste avec moi encore, il m'explique les constellations, me montre les étoiles importantes de ce monde. J'ai froid. Alors que j'aurais envie de le tirer à moi, je me souviens de l'autre soir, je ne sais de quel soir, je ne sais de quelle occasion, je me souviens juste de sa réponse : « Je ne suis pas ton père, appelle-moi Maître. Respecte-moi, crains-moi, je tiens ta vie dans ma paume. Tu es ma Main, tu es ma Chose, tu n'es pas ma fille. Tu n'es rien. Tu n'as pas même de nom. Ne l'oublie pas, je te ferais faire de grand chose. Ensemble, nous bâtirons l'Ordre, le monde, de grandes choses, mais toi, tu n'es rien. Appelle-moi Maître. » Je l'appelle alors Maître, je sais que je dois lui obéir, que l'obéissance apporte l'absence de douleur et son contentement ; parfois même des sucreries. Il me donne soudain l'ordre d'aller me coucher, je lui dis que je préfère la nuit au jour et que je ne comprends pas pourquoi nous ne vivons pas la nuit, quand tout est calme, plutôt que le jour. Il me répond qu'il m'a donné un ordre, que je n'ai pas à y réfléchir. Je comprends. Je regagne mon lit, de peur qu'il ne se fâche.

Le miroir revient. Le reflet grimaça.

Sans m'en rendre compte j'avais fui mon propre reflet pour gagner le sien. La craquelure qui fendait sa lèvre. Elle la scindait en deux, curieusement imparfaitement. Le côté droit était plus court que le gauche, sinistre. L'imperfection. Il m'avait appris à la craindre, pour les autres, mais surtout pour moi même.

La salle est blanche, immaculée, carrée. Je suis au centre, un droïde arrive, armé, je n'ai pas peur. J'ai douze ans, je suis entraînée déjà. Je ne lui laisse pas le temps d'arriver. Il me l'a appris. Toujours avoir un coup d'avance, au minimum. Je saute en avant, roule pour éviter le tir, me relève, coupe les mains puis plonge ma lame dans le cœur. Neutraliser puis tuer. Neutraliser toujours, puisque l'on a parfois besoin de faire parler. Tuer finalement, un sacrifice nécessaire. Un pressentiment. Je me retourne, une menace est bien là, je plonge sur le côté pour éviter le tir, je n'ai pas encore atteint cet ennemi qu'un autre surgit déjà, et fait feu. Je suis obligée d'esquiver, sans neutraliser. Ils sont deux désormais. Je parviens à en neutraliser un en lui coupant les jambes, mais le second est toujours là et m'oblige à fuir sans tuer. Un quatrième est apparu, pas de pressentiment, je ne suis pas assez calme. Je panique. Ils sont cinq à présent. Je parviens de justesse à éviter les salves. L'un d'entre eux doit recharger, une faille, j'en profite. Il tombe, je tue. Un autre tire, ils ne sont plus que deux debout, je pare, le tir lui fait sauter la tête. Un coup de chance, je le sais, j'en ai honte. Ce n'est pas avec la chance que j'apporterai l'Ordre. Seul le dernier ne me pose pas de problème. Je me tiens devant la carcasse fumante lorsque la douleur se fait sentir, mordante, cruelle, dans le dos. L'énergie parcourt l'ensemble de mon corps, mord férocement dans le moindre de mes muscles, la moindre de mes chairs. Je tombe. Un autre tir, encore, encore. La douleur se fait toujours plus cuisante. Je comprends. J'ai fauté, la menace n'était pas neutralisée, un homme, tant qu'il possède encore ses mains est capable de tuer. Mon Maître est là, apparu sans que je le vois, comme toujours. Il me regarde, je lis la déception sur son visage. Il ne réagit pas, me laisse souffrir. Je le hais. Je le hais. Je le hais ! La fureur me donne la force de me relever malgré la douleur, de me retourner, de parer, et de sauter sur la machine déjà au sol pour la réduire en pièces détachées. La gifle, je ne la vois pas venir. Déjà affaiblie par les tirs à répétition, ma dizaine d'années ne parvient pas à encaisser cette nouvelle agression. Je m'effondre, roulant sur le dos, et je le regarde, incapable de bouger. « Que tu meurs sous le feu ennemi est une chose, que tu te conduises comme l'une de ces bêtes enragées Sith en est une autre. Je ne te forme pas pour que tu deviennes un de ces vecteurs de Chaos. Que tu me haïsses, cela m'importe peu ; mais avise toi de réduire mes projets à néant, essaye de n'en avoir même que l'idée, et je te supprime, sans hésitation. Tu n'es que ma Chose, ma volonté est la tienne. L'Ordre est bien trop précieux pour que ton ego stupide vienne lui nuire. Alors apprends à te contrôler, sers-toi de cette haine intelligemment. La prochaine fois, tue. Si tu avais retenue la leçon, tu saurais que neutraliser un droïde est inutile, il n'aura aucune réponse à t'apporter. Alors tue. Cela t'évitera la mort et ma déception. ». Il part, me laisse là. Mes vêtements fument encore sous l'effet de l'énergie qui les a parcourus. Je regarde le plafond. Il avait Raison, encore. Toujours. Le jardin, je suis à l'intérieur de lui, minuscule, ignorée de lui, le Cosmos n'a pas besoin de moi pour être. Je ne suis rien, je n'ai de raison d'être qu'en étant à ses ordres, et sous ses ordres faire du monde ce Jardin. La haine s'effondre sur elle-même. Je me lève, sans un mot, ma vue vacille, mes jambes chancellent. Je sers les dents, je sors, gagne le jardin, me couche dans l'herbe, perd connaissance.

Il m'avait entièrement sacrifiée au Cosmos. Jeune enfant déposée sur les autels d'un Dieu Tout-Puissant. Il avait réduit ma vie à néant, je n'existais pas. Je n'avais pas de nom, pas d'identité. Il se mit à sourire devant le miroir. À quoi pensait-il ? Son œil, son seul œil se fixait dans le miroir. Que n'avait-il pas sacrifié lui-même pour ses croyances ? Pour nos croyances. Il n'avait plus de famille, pas plus de vie que moi, partagé entre ces deux figures, celle du Sénateur exemplaire, celle du Seigneur Sith sans visage. Il n'était pas plus quelqu'un que moi. Mon sacrifice était le sien, je n'avais pas eu à prendre la décision d'abandonner, il l'avait fait pour moi, il s'était chargé de tous les fardeaux. Il m'avait tout appris, patiemment, malgré mes lacunes. Il m'avait élevée, au sens propre. Au lieu de me perdre dans les méandres d'une vie sale, ordinaire, dans ce Chaos, il avait fait de moi l'un des vecteurs de l'Ordre.

La chambre est blanche, immaculée, carrée. Les draps ne le sont pas. Rouges. Rouges d'une blessure qui de l'intérieur me crampe le ventre. Je ne comprends pas. Je n'ai pas pris de coup, je n'ai pas fait de faute, et pourtant, je souffre. Et ce sang, d'où vient-il ? Je ne comprends pas. Il arrive, s'approche de  mon lit et... Pose sa main sur mon épaule. La douleur disparaît immédiatement sous le coup de la surprise. Ce contact, cette main ; elle serait apaisante si elle ne me paraissait pas si peu à sa place. Cette main vient de bouleverser tous les codes qu'il a placés entre nous. Il ne m'a jamais touchée. Pas comme cela. « Calme toi, ce n'est pas ta faute, tu n'es que ce que tu es, une femme. Les droïdes médicaux vont introduire une chose en toi pour que jamais tu ne te retrouves mère. L'Ordre avant tout, le reste est réservé aux idiots qui veulent perpétuer ce Chaos. Enfanter dans ce trouble, autant égorger tes enfants immédiatement, tu leur sauverais la vie. Tu es ma Chose, mais tu dois comprendre pourquoi nous nous battons, pourquoi j'ai fait de toi ce que tu es. La Paix, l'Ordre, la fin de la violence par la soumission totale de la société, pour qu'il n'y ait plus de bombes pour mettre à mort les enfants. Tu es ma Chose, pour l'instant, alors oublie que tu es une femme. Les droïdes répondront à tes questions si tu en as. » Il se relève, fait mine de s'en aller mais s'arrête sur le seuil. Il ne tourne qu'à peine le visage vers moi, pour que je l'entende. Je ne vois que son profil, son profil humain, son vrai œil me regarde. « Peut-être un jour, lorsque tu auras fini de me servir, lorsque nous serons parvenu à notre but et que le Cosmos aura été façonné, peut-être un jour, pourras-tu être femme. ». La douleur revient, les crampes roulant à travers moi, et les droïdes arrivent.

Mon reflet regardait le sien, l'ombre qui cachait mes yeux ne lui permettait pas de le voir. Je n'avais pas bougé, même les murs semblaient plus mobiles que moi à ce moment précis.  Plus jamais pareille scène n'avait eu lieu. Mais le souvenir était là. J'avais alors seize ans, et il venait de me promettre la liberté ; une fois notre Œuvre accomplie. Cette Œuvre, j'y prenais part pleinement à présent. Quand en avais-je eu enfin conscience ? Conscience de devenir quelque chose, d'être réellement, d'exister. Je me souvenais soudain de cette illumination, quand clairement cela avait fait jour dans mon esprit. Je n'existais pas en tant que nom, j'existais pour ce que j'étais comme fonction. Et mon existence avait commencé il y a six ans de cela.

La nuit est noire, profonde, immense. Je respire l'air frais de la capitale, pour la première fois. Un instant de fascination, depuis l'ombre de la ruelle, et déjà j'avance. Mon Maître m'entraîne depuis maintenant quatre semaines pour cette unique mission, les hologrammes ont reproduit des dizaines de cas de figures différents, des dizaines de scenarii dont seulement deux m'ont mis en péril, mais dont aucun ne m'a conduite à l'échec. Je n'y ai jamais mis les pieds, mais je connais par cœur ces ruelles, ces dédales, et le Palais que je dois atteindre ; ce bureau, toujours éclairé ou presque, où se trouve l'homme. Je parcours les rues, rapidement, sans être vue. Ombre parmi les ombres, je n'en sors que pour m'y replonger, et mes pas eux-mêmes semblent s'y fondre, ne résonnant pas entre les murs. Je suis devant les portes du Palais, des gardes s'y trouvent, bien entendu. Ce n'est pas par là que je dois entrer. Je fais le tour, arrive du côté des jardins. Le garde passe, il n'est pas en retard dans sa ronde sur le haut des murs. Un soldat de qualité, il respecte l'Ordre. Je n'ai pas à le tuer. Les murs ne sont pas si haut, un être normal n'aurait pas su, pourtant, ne serait-ce que toucher leur sommet en sautant. Un être normal. Je n'en suis pas un. Je suis une Assassin Sith. Je saute, mon pied effleure le sommet du parapet pour mieux me propulser vers les jardins où je retombe, sans faire plus de bruit que l'oiseau qui vient de fuir le buisson à côté de moi. Je ne m'attarde pas. Aargau est une planète calme, sans histoire, il n'y a pas de garde dans les jardins. J'arrive à la façade, la fenêtre, je l'aperçois. Les nombreuses colonnes et autres sculptures m'aident à monter sans difficulté. Je m'arrête un instant, ne bougeant plus, cachée dans l'ombre d'une statue, dans une alcôve. Le second garde passe sur les murs, non loin. Lui est en avance. Il n'aurait pas du passer avant dix minutes, me laissant le temps d'atteindre la fenêtre et d'entrer. Ai-je été repérée ? Non, impossible, l'alerte sonnerait s'il en était réellement ainsi. J'attends qu'il passe, son avance me sera profitable, je n'aurais pas à le craindre au moment de ma sortie. Je finis d'escalader la façade, j'atteins le balcon du bureau du sénateur. J'y prends pieds. Le sénateur est là, penché sur son bureau, sa plume s'agite. Mon Maître se moque souvent de son attachement à l'écriture à la plume. Une plume grande, noire. Une belle plume. La Force ouvre la fenêtre, sans un bruit. J'entre, sans un bruit. Dans son dos, il ne me voit pas venir. Ma main gantée se pose sur sa bouche et je le tire violemment à l'arrière, l'obligeant à se plaquer contre le dossier de son fauteuil et à me dévoiler son cou, nu. Mon autre main vient lui baiser sa peau blanche, moite, d'une piqûre. Le venin fait immédiatement effet, déjà je sens qu'il ne fait plus aucun effort pour se débattre. Neutraliser. La surprise m'a laissée les quelques secondes nécessaires à le rendre totalement inoffensif. Je renverse le pot ouvragé contenant toutes ses plumes pour n'en sortir qu'une. Je prends sa main, y place cette plume, grise, sans mot dire, trace sur la feuille la plus proche, de l'écriture malhabile de celui qui se meurt, un simple mot, comme ordonné par mon Maître : « Ainé ». Je laisse retomber la main, et la plume, comme le fait celui qui expire puis m'intéresse de nouveau à l'homme qui, encore conscient, me regarde. Il a compris, déjà. Ses pupilles ne sont pas dilatées. Il n'a pas peur. S'y attendait-il durant tout ce temps ? La question restera sans réponse. Je me place juste à côté de lui, approchant doucement mes lèvres de son oreille. « Il m'a demandé de vous transmettre ses remerciements pour votre idée de génie. Il m'a également dit de vous dire qu'il ne fallait pas que vous preniez cela trop à cœur, ce n'est pas contre vous. L'Ordre nécessite simplement une victime de plus. Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas douloureux, je vous le promets. » Sans plus de mot, je place sa tête contre l'arrière du fauteuil, fait le tour de son bureau, me place exactement en face de lui. Il a compris. Je sors le blaster qui a été jusque là dissimulé par la cape qui couvre mon côté droit. Le métal réverbère la lumière environnante. Le tir est silencieux, traverse le cœur pour finir sa course dans le cuir du fauteuil. L'homme est mort avant même d'avoir touché son bureau, sur lequel il s'affaisse doucement. Je range l'arme, passe par la fenêtre, saute dans les jardins et sors aussi promptement que je suis venue. Sur le bureau, un homme mort, une plume grise, un mot attendent d'être découverts. Je ne perds pas de temps sur la route de mon retour, perdant à peine quelques secondes pour voir cette plume noire à la pointe d'argent s'amuser entre mes mains à renvoyer les rayons lunaires.

Combien de temps avait-il fallu à cet homme qui se trouvait assis devant moi, dans le miroir, pour persuader la justice et le peuple en entier de la culpabilité de son frère dans ce malheureux accident ? À peine plus de temps qu'il n'en fallait à un enfant pour persuader ses parents de son innocence. En même temps qu'il accédait au pouvoir, une identité me fut donnée. Gabrÿelle Evans, secrétaire particulière du candidat au poste de sénateur d'Aargau, Lord Janos ; Côme pour les plus proches. Ce qui avait été curieux c'était de découvrir, en même temps que le mien, le nom de celui qui m'avait formée. Mes yeux remontèrent le long du miroir pour se poser à nouveau sur moi. Gabrÿelle. Ce n'était que la première de mes identités. Qu'étais-je sous cette forme ? Sombre, encapuchonnée. Personne n'avait jamais vu mon visage. Il n'en apparaissait que mes lèvres, soulignées par deux traits violets. Un sourire naquit.

La salle est obscure, circulaire, oppressante. Mon Maître est là, à quelques mètres de moi. Une autre forme noire se tient là aussi. Ils parlent. Le défi est lancé, et il est accepté. De cette salle ne sortira que le plus fort. Les lames illuminent. Rouge, violette. Violette, rouge. La lumière ne cesse de changer avec le mouvement des armes. Parfois, une gerbe d'étincelles naît et disparaît presque aussitôt. Drapée dans la Force, j'attends. Je sais ce que j'ai à faire. Des éclairs traversent la pièce sans que mon Maître les évitent. Son corps largement mécanisé ne supporte pas la surcharge et il s'effondre. La forme s'approche de lui, prête à en finir, mais toutes les cartes ne sont pas tombées : «Il est une différence entre nos deux codes, "maître" : le votre exige ma mort dans l'honneur d'un combat ; le mien exige la vôtre par tous les moyens, même les plus fourbes ». Je m'avance, surgissant dans le dos de celui qui n'est autre que le mentor de mon propre Maître. Sa lame rouge en rencontre une nouvelle, violette. Il n'a d'autre choix que de retenir ma lame. Je lui souris, la haine brûle dans son regard. Lui n'a pas compris. Neutraliser, la première règle que j'avais apprise face à l'ennemi. Neutraliser en rendant l'adversaire définitivement incapable de combattre. L'homme en face de moi ne connaît pas l'Ordre, ni son code. Il est déjà mort mais l'ignore. Les lèvres écumantes de rage se tordent soudain, rictus ignoble de la douleur. La forme s'effondre alors que je viens de retirer de ses mains vieillissantes la garde de son arme. Elle est à mes genoux, incapable de bouger, les lames croisées la tenant en respect. Le rouge luit sur sa face livide et décharnée tandis que le violet se reflète dans le fond de son œil jaunâtre. Il a fait son temps mais continue à parler, effrayé par la proximité de sa mort. « Tue-le ». Les lames glissent l'une contre l'autre jusqu'à ce qu'elles se quittent. Sa tête roule à mes pieds. Je n'y prête pas attention, pose un genoux à terre et un poing devant celui qui vient de devenir mon Seigneur. «Contacte Korriban et dis à l'Académie Sith que Darth Stultor n'est plus. Tu diras que tu es la nouvelle apprentie de Darth Deinos. Tu leur donneras ton nom : Darth Sicaë. Tu leur expliqueras que nous n'avons pas à nous mêler à eux et que nous resterons hors de leur groupuscule ; que s'ils désirent me contacter, tu seras l'intermédiaire entre eux et moi. S'ils te posent d'autres questions, tu leur répondras ce que tu sais. Mais surtout, ne dévoile pas notre identité. L'Ordre l'exige. Va.» Et je vais, porteuse d'un nouveau nom, d'une nouvelle identité, mais toujours avec cette même fonction ; lui obéir.

Mon image me regardait. Au fil du temps, les assassinats s'étaient multipliés. D'abord ceux qui lui avaient volé son visage, ses rêves. Je les avais capturés un à un après les avoir fait s'évader. Un à un il les avait fait passer devant lui et sacrifiait au nom de l'Ordre. À la plume et au sabre vinrent se rajouter leurs mèches de cheveux, eux qui n'avaient plus rien d'autre. Ces objets je les gardais dans mon ancienne chambre qui, maintenant qu'elle était ouverte au monde extérieur, était devenue mon appartement. Personne d'autre n'y entrait, si ce n'est mon Maître. Les objets se trouvaient exposés dans une salle secrète, dissimulée par un faux mur qu'Il m'avait révélé à mon retour du meurtre de son père. « Se souvenir des vies sacrifiées pour en arriver à l'Ordre. Le meurtre n'est pas une fin en soi. Chacun de ces assassinats doit rester dans ta mémoire comme des pertes nécessaires afin d'atteindre notre but. N'y prends pas plaisir. La mort n'est pas sujette à plaisir. Chaque mort devra t'être rappelée. Ne prends pas de trophées trop encombrants, ils seront nombreux. ». Et ils l'étaient. Après ces pauvres ères qui avaient attenté à sa vie, les profils qui me furent données furent tous ceux des vecteurs de Chaos de notre planète. Des ennemis politiques, des alliés aux partis, des industriels trop entreprenants. Je me chargeais de chacun de ces assassinats, sans trace. Un médaillon, une chevalière et même un foulard. Ma salle ne cessait de se remplir des souvenirs de ceux dont j'avais saisi le souffle. Une arme fut mystérieusement déposée dans le bureau du principal opposant de Lord Janos, et curieusement, elle fut retrouvée par les autorités. L'Ordre avait ainsi été établi sur notre planète. Les plaines d'Aargau et le Palais respiraient tranquillement l'air pur de Cosmos, le premier Parti de la planète et le plus respecté, aimé.

Finalement, qui étais-je ? À la lumière de cet œil bleu, sous le regard de cette iris brune ? Qu'étais-je ? Gabrÿelle Evans était une autre, de même que Darth Sicaë. Alors qui se tenait là, devant moi ; ce visage, le même que le mien. Il n'avait pas nom. Il n'était rien. Rien ? Non. J'étais l'outil du Cosmos, non pas sa fin, mais son moyen. À travers moi, l'Ordre se réalisait. Je n'étais pas un nom, j'étais Fonction. Je n'étais pas une femme. J'étais sa Chose. Il avait eu raison. Toujours.

Nos regards se croisent. Le bleu cherche dans l'ombre.

« Va »

Et j'allais.
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